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Un bien mauvais départ

Années 39 – 45

La plupart des hommes sont partis à la guerre. Ceux qui restent sont handicapés, réformés … Beaucoup connaissent des difficultés psychologiques, affectives, etc. Les femmes assument cette situation comme elles peuvent. Dans certains milieux défavorisés, des privations de toutes sortes (nourriture bien sûr, mais aussi abandon de toute autorité et affection parentales) s’ajoutent aux affres de la guerre.

C’est dans ce contexte que ma mère fonde une œuvre pour recueillir quelques uns de ces pauvres jeunes livrés à eux-mêmes, vivant en grandes difficultés. Grâce aux dons fournis par des industriels de la région choletaise, elle élève ainsi 17 jeunes hommes, de 6 à 18 ans. Un grand nombre d’entre eux ont pu suivre une scolarité, fonder une famille et s’incérer dans la société !

Bien que croyante et très attachée à la moralité, ma mère a vécu à cette époque une relation avec l’aîné de ses garçons. Je suis le fruit de cette relation.

A ma naissance, ma mère a 39 ans et mon père 18. Il nous a abandonnés tout aussitôt.

Ma mère avait caché sa grossesse à sa famille qui vivait loin d’elle. Pour eux, j’étais un enfant recueilli comme les autres. Quand j’ai appris moi-même les choses plus tard, j’ai eu l’impression « d’être une erreur ». Pendant longtemps j’ai considéré avoir été gommé, comme on gomme un écrit ou un dessin dont on n’est pas satisfait.

Le sentiment d’être rejeté

Cela a amené en moi un fort sentiment de rejet dès mon enfance. J’étais très méfiant envers tous ceux qui exerçaient une certaine autorité : instituteurs et professeurs tout d’abord, puis aussi les médecins, les ingénieurs, les patrons, etc. Adolescent, cette méfiance s’est transformée en agressivité, envers les autres et envers moi-même. J’ai plongé dans une certaine forme de marginalité (fréquentation du milieu hippie, des communautés de jeunes « libres ») et dans la consommation excessive d’alcool.

C’est dans cet état que j’ai rencontré Patricia. J’avais 20 ans.

Patricia a vécu dans une famille « normale » avec un père et une mère. Toutefois, sa naissance prématurée et sa malformation au niveau du bassin lui ont causé d’énormes problèmes de santé jusqu’à l’âge de 36 ans. Elle aussi s’est sentie rejetée. Bien des fois, elle a subi les moqueries de ses camarades à cause de sa gaucherie et de ses incapacités physiques. [Elle se souviendra toute sa vie qu’à l’âge de 12 ans, on lui a fait faire ses promenades en poussette parce qu’elle ne pouvait pas suivre le rythme des autres enfants de la colonie.] Ses parents avaient une attitude ambiguë : ils lui faisaient beaucoup de cadeaux et l’habillaient de beaux vêtements pour qu’on ne remarque pas son problème et en même temps, ils étaient très exigeants à son égard, sans vraie compassion. [Quand elle est entrée plus tard dans la vie active, ils ne l’autorisaient même pas à prendre les jours d’arrêt que le médecin lui prescrivait.]

Nous nous sommes mariés en décembre 1971 : deux êtres rejetés, sans Dieu. Trois jolies et gentilles filles, Sandra, Annabelle et Laurence, sont venues enrichir notre foyer. Hélas, au bout de 15 ans de mariage, notre relation s’est détériorée à cause de nos difficultés personnelles. La maladie, l’alcool, l’argent … ont pris le dessus. Je me sentais vide et seul.

A cette époque, j’ai renoué des relations avec une jeune femme que j’avais connue dans ma jeunesse. Ceci a duré. Patricia l’a appris. Cela nous a conduits à la séparation !

Je n’étais pas fier mais j’ai abandonné ma femme, malade et sans ressource, et mes trois filles !

La paix après la tempête

Notre séparation a duré un peu plus d’un an. De façon étonnante, Patricia n’a pas été malade pendant cette période. Elle était comme « gardée ». A l’inverse, quelques mois après notre séparation, je ne pouvais plus marcher plus de vingt mètres : l’artère d’une de mes jambes était complètement obstruée au niveau de l’aine ! C’était tellement douloureux que j’avais du mal à supporter un drap sur ma jambe. Plusieurs fois, j’ai souhaité être amputé pour ne plus souffrir.

J’ai été hospitalisé pendant six semaines. Cette période m’a donné l’occasion de penser à ma vie brisée et à ma famille que j’avais détruite, démolie.

Quant à Patricia, elle vivait cette séparation comme un rejet supplémentaire. Elle était très angoissée pour son avenir et celui de nos enfants. Elle était très malheureuse et détruite intérieurement. Un jour, une voisine à qui elle avait partagé sa douleur et sa détresse, lui a témoigné de Jésus-Christ. Elle lui a promis de prier pour elle avec son groupe de prière.

Bien que s’étant toujours présentée comme une athée convaincue, Patricia était prête à essayer tout ce qui pourrait l’aider. Ces gens ont prié pour elle et l’ont invitée à des repas durant lesquels quelqu’un témoignait de ses expériences avec Jésus-Christ. Un jour, elle a ouvert la Bible que sa voisine lui avait offerte. Elle a découvert cette parole de Jésus : Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes choses vous seront données par dessus (Mt 6.33). Patricia en a été profondément touchée et a fait cette prière : « Dieu, si tu existes vraiment, révèle-Toi à moi ! » Elle a aussi commencé à prier avec cette voisine et son mari. Ils étaient devenus ses amis. Ils ont prié aussi pour moi qui séjournais à l’hôpital.

Pendant cette période, un changement a commencé en moi. Petit à petit, je me suis détaché de cette femme avec qui j’avais refait ma vie. J’ai réalisé qu’il pouvait y avoir encore de l’espoir pour Patricia et moi. Tout n’était peut-être pas définitivement perdu.

Un jour, alors que Patricia me rendait visite à l’hôpital, je lui ai proposé d’essayer de recommencer à vivre ensemble. Elle avait été tellement blessée qu’elle m’a demandé du temps pour réfléchir. Il nous a fallu en fait attendre plusieurs mois pour que nous puissions reprendre la vie commune.

Quand je suis enfin revenu à la maison, j’avais l’impression étrange d’être là comme un « invité ». Je sentais confusément que j’avais perdu ma place de mari et de père. Toutefois, j’ai vu combien Patricia et ses nouveaux amis priaient pour moi. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui se passait, surtout après tout le mal que j’avais fait à ma femme.

Une nuit, j’ai été pris d’arythmies cardiaques. Je ne pouvais plus contrôler mon cœur, la vie semblait m’échapper. Une étrange sensation de froid et de profonde angoisse me traversait tout le corps. J’ai voulu me confier à Patricia mais elle était encore très perturbée par ce que nous venions de traverser. Elle n’a pas pu supporter mon angoisse et est partie en pleine nuit chez ses amis. Ils ont prié et Patricia a mis Dieu à l’épreuve en disant : « Puisque Tu existes vraiment, donne-moi un signe concret en faisant que Yannick puisse nous rejoindre. » Sans savoir comment j’y suis parvenu, je me suis retrouvé devant leur porte ! Imaginez leur surprise quand ils m’ont ouvert ! Lorsque j’ai pénétré dans leur appartement, il s’est passé quelque chose de difficile à décrire : j’ai été comme « plongé dans de la paix » ! Et alors qu’ils s’étaient remis à prier pour moi, je suis tombé à genoux sur le tapis de leur salle à manger et j’ai demandé pardon à Dieu et à Patricia pour tout le mal que j’avais pu commettre.

J’ai gardé en moi cette paix merveilleuse et surnaturelle pendant quatre jours. Elle était le signe que Dieu m’avait entendu. Il n’était plus ce Dieu lointain en qui je croyais vaguement jusqu’ici. C’est pourquoi j’ai voulu mieux le connaître. Un soir, j’ai entendu le témoignage d’un homme qui disait combien Jésus aime les hommes et femmes, même les pécheurs notoires. C’est pour les sauver qu’il est venu, a-t-il ajouté. J’ai alors compris que Dieu me donnait rendez-vous. Le combat fut violent. J’étais en sueur, pris de tremblements. Il me semblait que si je me levais pour répondre à cet appel, j’allais tomber devant tout le monde. Et pourtant, je ne voulais pas manquer ce rendez-vous. Finalement, je me suis levé et les chrétiens qui étaient présents ont prié pour moi avec beaucoup d’amour et de compassion, sans jugement. J’ai réalisé tout le désordre que j’avais pu mettre dans ma vie. Mes péchés m’attristaient profondément. Je me suis rendu compte que c’est envers Jésus que j’avais commis le mal. J’ai confessé tous les péchés qui me venaient à l’esprit et j’ai demandé pardon à Jésus en me remettant entièrement entre ses mains. A ce moment je suis devenu un homme nouveau, libéré de mes anciens esclavages. Je me suis senti soudainement aimé, pardonné, heureux et libre !

Un amour plus fort qu’au début

Retrouver ma place de mari

Ma rencontre avec Dieu a eu des répercussions profondes dans notre couple. Patricia et moi avons commencé ensemble un chemin de réconciliation, nous avons vécu des guérisons intérieures. Cela n’a pourtant pas été facile. Plus d’une fois, nous avons pensé que ça ne marcherait pas. Nous avons eu besoin du soutien de chrétiens qui priaient, nous encourageaient. Le tunnel était sombre parfois, mais Jésus était présent et confusément, avec notre petite foi toute neuve, nous sentions que nous sortirions vainqueurs de ce combat. Le pardon de Patricia envers moi m’a libéré et j’ai appris de mon côté à lui pardonner les blessures qu’elle m’avait causées dans cette période destructrice qui avait précédé la séparation. Dans un couple, il n’y en jamais un qui est tout blanc et l’autre tout noir !

Peu à peu, la confiance est revenue. Nous étions convaincus que Jésus nous aimait et cela nous a aidé à avoir un regard d’espérance l’un envers l’autre, surtout dans nos moments de conflits. Un jour, nous avons su que la bataille était gagnée : les blessures, qu’on ne pouvait pas oublier, ne feraient désormais plus souffrir. Notre amour était régénéré, neuf, plus fort probablement qu’il ne l’avait jamais été. Nos sentiments n’étaient plus seuls, le Seigneur était là et nous avons décidé de notre côté de nous aimer. Eh oui ! l’amour est aussi une question de choix, de décision et l’épreuve que nous venions de traverser nous avait finalement rendus plus forts dans notre relation. C’est de cette façon que j’ai pu retrouver ma place de mari.

Retrouver mon rôle de père

En revanche, mes filles avaient du mal à accepter mon retour. Je les avais profondément blessées, choquées, désécurisées. Spécialement Sandra, notre aînée, qui avait dû porter beaucoup de choses sur ses épaules pendant mon absence. Il lui semblait trop facile que je puisse revenir comme si de rien n’était après les avoir abandonnées. Or, deux années après mon retour, elle s’est rendue dans un camp de jeunes chrétiens à Saverdun près de Toulouse. Elle y allait pour passer des vacances avec ses amis. C’est là que le Seigneur l’attendait. Jésus est devenu son sauveur et elle lui a confié sa vie. A son retour, elle m’a demandé pardon pour la dureté dont elle avait fait preuve envers moi. De mon côté je lui ai renouvelé mon repentir. Nous nous sommes pris dans les bras l’un de l’autre et nous avons pleuré tous deux pendant un bon moment. J’ai réalisé alors que seul Dieu peut véritablement guérir les familles brisées et détruites, que rien n’est impossible à celui qui ose croire en Lui. Je venais de retrouver ma place de père !

Mais ce n’est pas tout

A l’occasion d’une rencontre entre chrétiens, une des personnes présentes a reçu une parole de la part du Seigneur pour Patricia : « Le Seigneur te dit que tu es belle, tu es belle… » Chose que Patricia n’avait jamais pu accepter à cause de son sentiment de rejet hérité de son enfance. Cette parole la toucha, elle tomba sur le sol et tous nous nous sommes mis à prier pour elle. Au bout d’un court temps, elle s’est relevée en disant : « Je suis guérie ». Elle a pris dans ses bras notre petite Laurence de sept ans. Je lui ai crié : « Attention ! ton dos ! » Elle m’a répondu : «je suis guérie ».

Et cela s’est révélé vrai ! Finis les plâtres sur tout le buste, les visites régulières chez les médecins, les séances d’élongations, les ponctions lombaires, les séjours réguliers en maison de repos… tout cela s’est arrêté à ce jour.

Quelques années plus tard, Annabelle, la seconde de nos filles, a été guérie de convulsions cérébrales quelques jours après avoir été baptisée à sa demande. Quant à Laurence, l’Evangile a été semé dans son cœur lors d’une convention chrétienne à Quiberon.

Dieu a tellement changé de choses dans nos vies ! Il a transformé le mal en bien ! Son amour nous a libérés du rejet. Devenus enfants du Dieu vivant par la foi en Jésus-Christ, nous avons été restaurés dans notre personnalité. La méfiance que j’exprimais face aux figures d’autorité a disparu. J’ai été libéré de l’alcool, sans médicament ni traitement. Patricia et moi avons abandonné notre rancune envers nos parents qui nous avaient blessé de manière bien involontaire. Nous avons compris que nous aussi, nous avions été des parents imparfaits. Nous avons demandé pardon à nos enfants chaque fois que nous avons eu conscience de leur avoir fait du mal.

Au niveau professionnel aussi, il y a eu du changement. D’ouvrier en fonderie, je suis passé agent de maîtrise avec des responsabilités de plus en plus importantes jusqu’au jour où le Seigneur m’a appelé à le servir. A 52 ans, j’ai démissionné de mon travail, pour être pasteur à plein temps dans l’Eglise Protestante Baptiste d’Angers où je travaille en collaboration avec le pasteur Bernard Delépine, son fondateur.

Avec Dieu, rien n’est jamais perdu. Que tout honneur et toute gloire lui soient rendus. Notre Dieu est tout simplement merveilleux !

Source : Croire & Servir (Croire & Vivre), www.lueur.org


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